On dit que 1976 fut un des meilleurs millésimes du bordelais le siècle dernier.
L'année suivante a été bienveillante avec la musique, et les monuments, et justement c'est d'une pyramide dont il s'agit. Pas celle du Mothership, qui déboula l'année précédente en retournant tout. Meme symbole, autre image, celle de la spiritualité et de la perfection, de la dernière pierre au sommet de l'édifice.
Comme
Aja, cette perfection s'obtient sur un lourd travail de production qui a ses détracteurs, sans doute obtenu au détriment du groove et délires de musiciens d'exception, avec des arrangements d'
Eumir Deodato et de
Tom tom 84 sur les cordes et le vent pour une formation de 45 symphonistes en appui aux 9 membres du band.
Résultat, 8 pistes sur seulement 39 minutes, avec deux soli seulement.
On peut en somme mettre en opposition ces deux grosses formations à pyramide et costumes à cette époque d'apogée; la nébuleuse clintonnienne qui lâche la bride à ses musiciens de génie, qui sont avant tout des bêtes sur scène interchangeables à souhait lors de de jam sans fin, contre les 3 frangins White, bien moins hippie que formés aux rigueurs du jazz, plus franchement studio que concert, où ils paraissent bien plus étriqués sur scène.
Son inspiration, la petite histoire raconte le voyage de Maurice en Argentine et au Brésil; plus certainement, la présence aux peaux de
Paulhino Da Costa (matez moi ses
crédits pour rigoler
) appuyé par Eddie Delbarrio, et les
Brazilian Rhyme de
Milton Nascimiento donnent cette couleur samba à ce disque majeur.
Coté illustration, le groupe fait appel pour la première fois au génie de l'aérographe Shusei Nagaoka, dont on a déja parlé ici, et qui sera reconduit pour les deux albums suivants - j'allais dire les derniers bons albums, bien moins homogènes et plus ouverts aux modes du moment. Presque du All 'n all réchauffé deux fois, avec un hit en bonus dans chaque.
Coté son, cette meme année, Maurice produit un autre platine
Best of my Love des
Emotions (sur l'album Rejoice, les filles rejoignant deux ans plus tard EWF pour
Boogie Wonderland), qui, 32 ans plus tard, est toujours bien plus efficace qu'un Dyson du XXI siècle pour dépoussiérer un dancefloor.
Pourtant,
All 'n all n'est en rien un disque de danse. 3 merveilles de groove démarrent ce triple platine à 3 singles, qui se poursuit avec des ballades somptueuses entrecoupées d'interludes enchanteurs.
Rien à jeter dans un album parfaitement trop court.
The album won a Grammy for Best R&B Vocal Performance By A Duo, Group Or Chorus and "Runnin'" also won a Grammy Award for Best R&B Instrumental in 1978. All 'N All was also nominated for an American Music Award for Favorite Album- Soul/Rhythm & Blues
Et c'est pas du tiède.
Serpentine fire ouvre somptueusement ce chef d'oeuvre avec ses cuivres majestueux qui collent si bien au décor des quatre pharaons de la couverture. Un équilibre parfait avec la plus soufflante des formations de cuivres portée par cette pauvre terre, les Phoenix Horns, des voix de Maurice et de Philip qui se complètent par magie, et les guitares de Al McKay et de Johnny Graham, la basse si juste de Verdine avec ses slaps judicieusement placés, et les métronomes que sont Maurice et Fred White aux fûts...
Fantasy dont l'intro laisse croire que le calme va revenir, mais les violons ont tot fait de vous emmener dans une ivresse sans disco, un tube hors du temps, un bonheur inusable où tout est possible:
All your dreams will come true miles awaaaaay. A chaque fois je me fais croquer. J'y crois toujours d'ailleurs.
Jupiter Pas de pub mensongère. C'est du lourd, la plus grosse planète ou le dieu des dieux, ce que vous voulez, mais avec la cover de
Got to Get you into My life qui sortira l'année suivante, vous tenez avec ces trois morceaux une quintessence de musique et de spiritualité qui marquent une existence. Le tour est joué? Pas si vite...
Love's holiday La partie rythmée de l'album laisse place à la sérénité et l'élégance de coeur. Quelle classe cette guitare sur fond symphonique, quelle mélodie ce chant de White et Bailey qui résonne encore après la fin du morceau.
Love has a holiday in my heart tonight. L'envie de jamais cesser de claquer les doigts pour rester dedans...
Brazilian Rhyme 1 (originellement
Beijo) vous met dehors tout de suite. Inutile de résister à Monsieur Bailey qui va vous frustrer: Cet interlude magique est ce que le frustrant
Chic Cheer est à
Chic. Trop court. Et pourtant.
I'll write a song for you, ca commence un peu gnan gnan, on peut croire que le soufflé magique va retomber... Bailey le perfide vous endort dans sa toile mielleuse pour vous embobiner avec Verdine qui ramene sa basse, et le malfrat vous emmene à 3'14" dans une spirale de vocalises toujours plus haut...
We have a magic box. Epuisant. Une des plus belles performances de Bailey.
Magic mind remet du groove. Rien que pour la gratte de McKay contre la basse de Verdine je l'aime ce truc. Une vraie montagne russe, du bon en haut, du bon en bas...
Runnin' est enfin un interlude qui a la durée pour se développer. A une époque ou beaucoup de jazz-rock s'éternise sur des morceaux trop longs, ces 5'40 sont un condensé de savoir faire, la seule partie du disque où les musiciens peuvent se défouler... mais le run se termine sur une maquette de Serpentine fire, la batterie piaffe d'impatience pour repartir,
It's all right, it's allright estime Maurice... et le groove repart pour s'évaporer sur une flute chinoise (Brazilian Rhyme 2, originellement
Ponta de Areia) qui annonce le final...
Be ever wonderful
Le titre de
All 'n all qui vous dit au revoir, vous demande de garder un bout de sa lumière, et de rester vous-meme.
Stay as you are.
Le disque que j'ai sans doute le plus écouté.
Celui qui me fait chaque fois voyager ou prier... Dur de retoucher terre quand on sort cette merveille.