The Impressions - The Young Mods' Forgotten Story (Curtom CRS 8003, 1969)
A1 The Young Mods' Forgotten Story 2:00
A2 Choice Of Colors 3:20
A3 The Girl I Find 2:38
A4 Wherever You Leadeth Me 2:35
A5 My Deceiving Heart 2:51
B1 Seven Years 2:24
B2 Love's Miracle 2:26
B3 Jealous Man 2:38
B4 Soulful Love 2:34
B5 Mighty Mighty (Spade & Whitey) 2:24
Crédits
Arrangements : Donny Hathaway, Johnny Pate
Production : Curtis Mayfield
Etrangement c'est une oeuvre de maturité transcendée par deux génies dans leur phase d'apprentissage.
A cette époque Curtis Mayfield s'ennuyait ferme. C'était pas faute d'avoir tout essayer pour se sortir d'une certaine routine. Il y a déjà longtemps qu'il pouvait s'exprimer librement au sein des Impressions et éclabousser de son talent quelques "socially conscious R&B songs" dont certains sont devenus des hymnes pour Martin Luther King et le mouvement pour les droits civiques et pour lesquels, à chaque fois, les patrons d'ABC faisaient dans leur froc, tout en tâtant leur portefeuille en souriant : ces protests songs intégraient immanquablement le Billboard et leurs permettaient de s'approvisionner en barreaux de chaise et alcools rares.
Curtis se noyait dans des activités multiformes et prolifiques : écrivant, produisant pour de nombreux artistes de Chicago, fondateur de nombreux labels dont le dernier en date Curtom, en 1968, allait changer sa destinée même si seule la première syllabe de son prénom fut sauvegardée.
Mais plus que la création de Curtom, c'est la rencontre avec le jeune Donny Hathaway qui fut le détonateur. Autodidacte, Curtis ne pouvait que tomber à genoux devant les connaissances musicales "tremendous" de Donny qui provenaient de sa formation classique."He really baffled me" admit Curtis : "It was just amazing. Even though Hathaway was classically trained, the soul singer never underestimated the power of emotion and feeling ".
Et Donny H. devint un "A&R producer" - éphémère - pour le label Curtom. Son plus grand fait d'arme fut le pénultième album des The Impressions avec Curtis (le second sur Curtom) : "The Young Mods' Forgotten Story".
Pendant l'enregistrement, tous les deux étaient littéralement inspirés par l'extraordinaire mission spatiale Appolo 11 qui allait conduire pour la première fois un homme (Neil Armstrong) sur la lune. Ils furent aux anges quand "Choice Of Colors" grimpa à la première place des charts le 16 Août 1969 soit juste un mois pile après le lancement d'Apollo 11.
La genèse de cet album, Donny l'expliqua de la façon suivante : "C'est comme Apollo 11, l'objectif n'est pas d'aller sur Mars ou d'autres planètes sans avoir réussi d'abord à alunir; c'est pareil pour toi Curtis, je comprends tes nouvelles ambitions musicales, ta soif d'explorer de nouveaux territoires, mais d'abord pense à parfaire ce que tu as commencé de faire depuis plus de 10 ans déjà. Et moi, Donny, je t'aiderai et je serai ton coloriste, ton joaillier en te fournissant toutes les pierres précieuses dont tu as besoin pour ton futur chef d'oeuvre, je n'en doute pas".
Finalement, l'album "The Young Mods' Forgotten Story" fut composé de 10 pierres précieuses aux couleurs flamboyantes. Dans l'ordre :
"The Young Mods' Forgotten Story" : Grenat. Couleur brune, celle des Grandes Histoires.
L'heure est grave, c'est l'annonce de l'histoire des Young Mods sous un ciel orageux zébré par des éclairs de violons, martelé par des cuivres imposants et solennels. Les voix à l'unisson des 3 chanteurs sont brunes et revendicatrices : le brûlot incendiaire n'est pas loin.
"Choice Of Colors" : Diamant. Diamants blancs et diamants noirs.
"If you had a choice of colors, which one would you choose, my brothers? If there was no day or night, which would you prefer to be right?” y'a-t-il vraiment choix quand on sait que le diamant noir est très rare même si il est considéré pour beaucoup comme le symbole de l'éternité de l'amour ? Le morceau est lui-même un diamant aux mille brillants : un refrain d'anthologie où la voix de Curtis tutoie les cieux, défie les harmonies, les violons faisant office d'écrin.
"The Girl I Find" : Ambre. Couleur jaune au parfum enivrant.
Quand les tourterelles bruissent au sein de la mélodie, quand la plainte du falsetto fluctue tel un fleuve jaune au travers des rizières éclaboussées de lumières pour se répandre sous un concerto (de chambre) pour hautbois en un coda lumineux ...
"Wherever You Leadeth Me" : Tourmaline. Aux multiples couleurs chatoyantes et libérées.
Morceau fédérateur aux consonances Northern Soul alliant groove et grande classe et qui libère avec fougue les couleurs de l'arc en ciel. Classique instantané.
"My Deceiving Heart" : Saphir. Couleur bleue pure comme la tristesse.
Cela commence comme une simple ballade gospel accompagnée par un piano pour aboutir à un refrain royal, à ressort, ébouriffant où la voix la plus pure de Curtis jaillit, plus bleue que jamais, pour se fondre dans un lit de choeurs aux mille frissons, à la tristesse éternelle.
"Seven Years' : Améthiste. Couleur violette peinte sur la pochette.
Morceau up tempo dans lequel Curtis chante une rupture en lutte avec des cuivres joyeux et des choeurs pimpants ("woo wooing") : cette antinomie est teintée de violet - couleur de la jalousie-.
"Love's Miracle" : Aigue-marine. Couleur transparente aux éclats vitreux.
Cette ballade est avant tout une prière cachée où tout est joué pour que l'on n'entende plus que cette voix miraculeuse aspirant cuivres et harmonies, seule au monde au contact de l'amour.
"Jealous Man" : Topaze. Couleur dorée intense d'une île de la Mer Rouge.
Comment peut on passer d'une introduction classique d'un morceau soul up tempo typique des années 60 à un refrain d'une intensité inouie où piano, cordes, Curtis et The Impressions conjuguent leurs efforts pour vous étourdir d'harmonies dorées ?
"Soulful Love" : Emeraude. Couleur verte délicatement veloutée.
The Impressions sont ici au sommet de leur art sur cette ballade dans laquelle quelques accords de guitare et une basse liquide accompagnent des harmonies aux accents aquatiques et légèrement doo woop...
"Mighty Mighty (Spade & Whitey)" : Rubis. Couleur rouge évoquant le sang et le feu.
Sur un thème funky en diable, annonçant les prémices de son futur style, Curtis renoue avec les "protest songs" en faisant de celle-ci un véritable hymne à la révolte, la rythmique gonflée par le sang, les voix en colère avec en écho la foule en folie au bord de l'incendie ... Et Curtis citant James Brown : « Now I’m going to say it loud, I’m just as proud as the brothers too » ...
Devant ce tel chef d'oeuvre le roi Curtis Mayfield, à la couronne sertie de pierres précieuses, est ému, la larme à l' oeil, mais totalement convaincu que c'est la fin d'une belle histoire, alors malgré un dernier regard jeté vers Son Château de Versailles laissé - le coeur tranquille - à Son Chambellan Leroy Hutson, il part en solitaire affronter de nouvelles aventures, prospecter de nouveaux territoires qui le conduiront vers une nouvelle légitimité où il laissera en route toutefois quelques oripeaux chéris dont son nom : il sera dorénavant l'Impérator Curtis.
Note : 6 stars / 6
The Young Mods' Forgotten Story (


Choice Of Colors (


The Girl I Find (


Wherever You Leadeth Me (


My Deceiving Heart (


Seven Years
Love's Miracle (

Jealous Man (


Soulful Love (


Mighty Mighty (Spade & Whitey) (

