The Dellations – Why You Wanna Hurt Me / All Alone (Cornel McKay 82549, 1984)
Le portier du Water Tower de Chicago sortit précipitamment, son énorme parapluie se déployant comme un aigle sauvage contre les bourrasques de vent et les pluies glaciales. Il prit sous son aile bienveillante un trader trempé jusqu'à l'os le temps de chercher la monnaie et payer son taxi chicano. Ils rentrèrent, comme un couple d'amants, dans le hall illuminé du palace, le nid doux et paisible de l'homme trempé.
- "Merci G., au fait comment va votre femme ?"
- "Toujours à l'hopital" répondit G. en voyant l'homme, soudain pressé, s'engouffrer dans l'ascenseur, les portes se refermer sur ce qui lui semblait n'être plus qu'une ombre fugace et fugitive tandis qu'au même moment l'orage sortait de ses gonds, tonnait de plus bel, les coups de tonnerre se fracassant sur les toits de Chicago.
A chaque fois que l'orage sévissait, les souvenirs submergeaient G. et le ramenaient, comme un fil suspendu dans les méandres du passé, plus de trente ans en arrière, en 1984 exactement, dans un minuscule studio d'enregistrement.
Cornel était fou. Fou à lier. Malheureusement pour nous, musiciens, il était le producteur, arrangeur, pour terminer le boss du label et il se comportait comme un dieu despote. Habillé tout en noir comme un pasteur baptiste, seule une rose rouge pointait son nez mutin sur sa veste large et anthracite.
- "Hé les mecs, P...., vous entendez cet orage, son Fracas Insondable, c'est l'Effroi Ultime devant lequel l'Homme pleure et se couche "vociférait Cornel, hors de lui, "alors la flûte, oui monsieur" en pointant d'un doigt rageur le musicien dont le visage, à moitié barré par cet instrument porté par deux mains tremblantes, était livide "elle est priée de jouer son rôle, celui de la Foi, le rayon de soleil venu d'En-Haut, et non pas ce que j'ai entendu jusque là des minauderies de midinettes et pour cela, monsieur", Cornel s'arrêta, reprit son souffle quelques instants et entonna : "elle doit s'ouvrir les veines !".
Je ne sais pas comment Cornel nous avait choisis, nous jouions plutôt du Jazz Funk et il est vrai que nous étions tous de très bons techniciens mais de là à imaginer d'enregistrer, surtout en 1984, en plein Boogie, un morceau de pur Sweet Soul il y avait un pas, un fossé que seul un illuminé comme Cornel pouvait franchir.
- "Arrêtez les voix, arrêtez tout, vous n'êtes pas entrain de chanter du Nat King Cole dans un vieux palace pour vieilles rombières ménopausées, Messieurs, c'est un combat, un combat entre Anges et Démons, allez chacun sa partition, le falsetto surtout, tu dois insuffler à ta voix autre chose que de la joliesse, comme le souffleur de verre créant la Beauté faite de courbes aussi belles que ..." Cornel sourit, regarda affectueusement sa rose rouge et pensa à son prochain rendez-vous galant " je ne veux entendre de toi, falsetto, qu'un souffle de vie comme si c'était ton dernier soupir ! "
Et je dois dire que ce soir là, nous étions tous transfigurés : l'orage ne venait pas de l'extérieur, l'orage était sauvagement ancré en nous.
- "Hé les mecs, P...., je veux du Jugement Dernier, rappelez-vous !"
Why You Wanna Hurt Me :
L'instrumental All Alone (difficilement audible) :
The Dellations – Why You Wanna Hurt Me / All Alone
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