Avec son mouchoir brodé de merveilleuses fleurs de Lys, Revpop essuya délicatement ses yeux embués, puis le plia en quatre et le posa à portée de main au cas où déborderait encore une fois le fleuve de ses émotions.
"I Could Never Be Happy" est exceptionnel à plus d'un titre.
Tous les grands producteurs de Stax Records se sont battus pour produire le groupe des trois sœurs Hutchinson, en premier lieu Isaac Hayes et David Porter puis ce dernier avec Ronnie Williams durant l'été 1971 avant que Jim Stewart et Al Jackson ne prennent le relai pour une courte durée. Mais le succès ne décollait pas. Ça s'appelle la ronde des producteurs.
Vers mi-1972 ce fut le tour d'Homer Banks, Carl Hampton et de Raymond Jackson. Ces trois là crurent au miracle et il advint avec ce titre "I Could Never Be Happy". Mais leur ambition était encore plus forte, ils voulaient que ce miracle se réplique douze fois de suite, six par face. Le titre de l'album "Songs Of Innocence And Experience" en serait le symbole.
Et la catastrophe arriva, fulgurante : l'album ne sortit jamais des limbes et quelques mois plus tard Raymond Jackson périt dans l'incendie de sa maison.
Plus de trente ans plus tard le disque fut exhumé chez Ace Records, sous la forme d'une ré-édition de 23 titres comprenant les chansons prévues initialement, les 45 tours des années 70-75 parus chez Stax et quelques inédits.
Mais toujours pas de "I Could Never Be Happy".
La fatalité s'était abattue sur ce titre telle une faucheuse. Pourquoi ?
"Une des plus belles chansons du genre Sweet Soul" aurait dit Revpop tout en regardant son mouchoir.
"Ah ! l'entrée des chœurs dès les premières mesures reste gravé à jamais dans ma mémoire comme un sommet de mélancolie, symbolisant la perte d'un être, le vide le manque que l'on essaie d'embrasser avec nos bras impuissants, un sentiment équivalent à un Nocturne de Chopin ! Un miracle qui ... ".
Et Revpop était parti, encore une fois de plus, dans une longue logorrhée que nul ne pouvait arrêter !
I Could Never Be Happy :
