The New Rotary Connection - Hey, Love (Concept Records CC 50006, 1971)


Titres
A1 If I Sing My Song 2:53
A2 The Sea & She 3:30
A3 I Am The Blackgold Of The Sun 5:20
A4 Hanging Round The Bee Tree 3:32
A5 Hey, Love 4:00
B1 Love Has Fallen On Me 4:10
B2 Song For Everyman 5:32
B3 Love Is 4:42
B4 Vine Of Happiness 4:36
Crédits
Minnie Riperton : chant soprano
Kitty Haywood : chant soprano, alto
Dave Scott : chant ténor
Charles Stepney : piano, orgue, clavecin
Sydney Simms : basse
Pat Ferreri, Phil Upchurch : guitare
Donny Simmons : batterie
Master Henry Gibson : congas
Arrangements : Charles Stepney
Production : Charles Stepney
C'est un disque de Renaissance.
Charles Stepney, démiurge de l' "Orchestral Psychedelic Soul Chicago Sound' sur les labels Cadet/Chess, est le géniteur de Rotary Connection, groupe à géométrie variable, au carrefour de toutes les expérimentations où nous retrouvons dans leur vaste discographie (6 albums sur 6 ans) un melting pot bigarré avec de la soul, du blues et du gospel mais aussi du folk, de la country et du classique et même du easy listening et des reprises de chansons de Noël....
Mais les expérimentations ne font pas forcément des chef d'oeuvres et encore moins des succès, alors Charles décida de faire une pause et de consacrer tout son génie à offrir le plus bel écrin qui soit à son égérie la chanteuse au "5.5 Octaves" Minnie Riperton : (Come To My Garden) toutes les scories qu'il charriait auparavant dans ses trips musicaux se sont transmutées ici en joyaux d'harmonies.
Ce fut le tilt.
Et fort de cette expérience, il revint voir Marshall Chess, le patron de Chess Records, et supplia celui-ci de reformer la troupe du Rotary Connection au complet (soit plus de 10 membres à réunir), lui jurant qu'il en avait fini avec toutes ces excentricités avant-gardistes, qu'il avait montré qu'il était aussi talentueux que Bacharach et en dernier ressort qu'il fallait lui laisser carte blanche ...
Marshall craqua, le groupe fut rebaptisé "New Rotary Connection" pour la forme et Charles put une nouvelle fois s'offrir son Cirque Baroque ...au fronton duquel fut gravé les mots "Hey, Love".
Les lumières tombent. Silence.
Les projecteurs s'allument soudainement, 'If I Sing My Song" peut alors commencer, et des hauteurs du chapiteau la lumière envahit progressivement l'espace dans lequel nage la voix de Minnie, au registre si particulier : entre le cristal et l'éther, entre ce qui coupe et ce qui coule.
Trompettes Bacharach, rythmes bossa, piano Rachmaninov et cordes straussiennes plantent le décor où nous imaginons mille "Découfleries" : danseurs, acrobates, jongleurs et échassiers prenant possession de la scène en une exubérante parade sous les cris et les délires de choeurs multi-couleurs.
Après ces premières minutes tremendous et annoncé par une chorale péplumesque, l'Homme Loyal apparait sur "Sea & She " en la personne du lead vocal Dave Scott : superbe voix soul qui chante le programme du show sur des arpèges de guitares et harpes tricotées.
Puis voici venir l'un des clous du spectacle : "I'Am The Black Gold Of The Sun".
Exit les échassiers de Découflé, exit légèreté et arabesques, place à un tableau sombre, terrifiant et magique dans lequel se dispute la théorie des 4 éléments : la terre, l'eau, l'air et le feu. Qui peut mieux symboliser cette lutte héroique que cette guitare aux rythmes hachés, aux sons grésillants - limite punk jazz free avant l'heure - de Phil Upchurch ("on which played with colossal abandon") traversant tout le long du morceau, pour nous plaquer aux sols, nous aspirer vers les profondeurs souterraines, alors qu'une symphonie d'anges et de cordes nous élèvent vers les cieux guidée par la voix torrentielle de notre Homme Loyal.
Simplement : "I'Am The Black Gold of the Sun" is the apex, the brightest moment in the group's discography".
Après la tempête, l'accalmie pour écouter l'un des plus beaux lieder qui soient "Hanging Round The Bee Tree", du Terry Callier meets Schubert : voix grave et choeurs bleutés, flûtes lutines et piano majestueux, avec des cordes qui renversent tout sur leur passage telles des chutes du Niagara ...
La tension du spectacle va remonter, petit à petit, d'un cran sur les 3 plages suivantes "Hey, Love", "Love Has Fallen On Me" et "Song For Everyman" : blues cosmiques, baroques et légèrement dé-structurés aux jaillissements easy listening incontrôlables.
Pour arriver à l'autre clou de la soirée : autant "I'Am The Black Gold Of The Sun" est tendu et ténébreux autant "Love Is" est lumineux et paradisiaque.
Charles a mis tout son amour de la musique dans ce morceau, tout est là : choeurs éthérés, ruisseaux de mélodies sunshine, quelques mesures country&western servant de pauses, envolées lyriques de notre Homme Loyal, déchirures gospels sur des voix frénétiques, décor symphonique digne des comédies musicales aux aspirations pyrotechniques : bref de la Soul Kolossal...
Nous nous quittons avec "Vine Of Happiness" pour un dernier "Space Mountain Soul", un final de montagnes russes imaginaires, excentriques et énivrantes. Et l'on sort du chapiteau exténué, las et littéralement lessivé...
La représentation à peine terminée, Charles comprit qu'il était assis sur une mine d'or qui serait malheureusement enterrée sous les diktats de l'époque et il se fit la promesse de s'atteler dorénavant à poursuivre des voies plus académiques comme produire EWF tout en choyant en son sein des artistes maudits dès la naissance tel que Terry Callier et, pour ce qui est de "Hey Love", désespéré sur le coup, il mit fin au groupe aussitôt et rangea cette oeuvre parmi les monstres en ruine du Jardin Bomarzo.
Note: 5.5 stars / 6
If I Sing My Song :
The Sea & She :
I Am The Blackgold Of The Sun :
Hanging Round The Bee Tree :
Hey Love :
Love Has Fallen On Me:
Song For Everyman :
Love Is :
Vine Of Happiness :